Rencontre avec Vanessa Guissin, fondatrice de l'agence Melting Pot Agency: Agent de chef opérateurs et monteurs.
Le métier d’agent de chef-opérateur m’était inconnu. J’ai rencontré Vanessa Guissin, fondatrice de Melting Pot Agency à Paris pour comprendre cette profession.
- Merci Vanessa de m’accueillir chez vous. Pouvez-vous m’expliquer le rôle d’agent de chef-opérateur (ou monteur) et quand est né votre agence : Melting Pot Agency ?
Il existe plusieurs profils d’agent de techniciens. Mon métier consiste à conseiller les productions dans le choix de leur chef de postes artistiques et représenter les techniciens avec qui nous travaillons.
Une production vient nous voir avec un projet de film, elle nous apporte un script, une note d’intention. Nous rencontrons également le réalisateur pour avoir son regard sur son futur film. Notre travail est de présenter le bon chef-opérateur ou monteur pour ce projet. Vient ensuite la gestion du contrat, les bulletins de paie et toute la partie administrative relative aux techniciens.
Nous ne sommes en aucun cas une agence ANPE. Je ne trouve pas du travail, je renseigne les productions et aide le technicien à promouvoir son talent et dans diverses tâches administratives. L’agence a été fondée en 2008 et le dernier opérateur qui nous a rejoints est Anthony Diaz.
-Vous conseillez les productions, et conseillez-vous aussi l’opérateur? Par exemple de faire ou de ne pas faire un film ?
Oui tout à fait. La première chose qu’on demande à l’opérateur, c’est de lire le scénario et de nous dire si ce film lui plaît.
On évalue aussi si ce projet peut lui convenir et qu’est-ce que ce film pourra apporter en plus à sa carrière ?
Un film qu’il aura déjà fait trois fois, ou juste parce qu’un réalisateur veut reprendre le même opérateur que la fois précédente sans raison artistique, ne fera pas évoluer l’opérateur.
On fait ce métier pour faire des choses nouvelles ! Si c’est pour travailler toujours avec les mêmes personnes et former toujours les mêmes couples (réalisateur-opérateur), je trouve ça assez paresseux.
Jean-Marie Dreujou a éclairé ‘Cézanne et moi’. Christophe Beaucarne a éclairé ‘Rodin'. Si je réalise un film sur un artiste de cette époque ( 19e siècle ,début 20e) quel chef-opérateur me conseillez-vous ? Vous me présentez ces deux opérateurs ou un troisième?
Je pourrais proposer deux opérateurs, je n’en propose jamais plus de 3 sur le même projet.
Dans cet exemple, ce sont deux films qui n’ont rien à voir ! La question n’est pas de savoir si c’est un film d’époque ou sur un genre d’artiste. On parle avant tout d’image et de cadre. L’un est très lumineux (Cézanne), tournage en extérieur, au soleil, l’autre est un film ultra sombre (Rodin). Sombre dans ce qu’il raconte et dans ce que le réalisateur demande à son chef-op de raconter. Il est évident que, dans cet exemple, Jean-Marie Dreujou sait aussi bien éclairer un film sombre, tout comme Christophe Beaucarne peut faire un film lumineux.
Ces deux chefs-opérateurs sont d’excellents techniciens de la lumière. C’est à nous de proposer le meilleur pour votre histoire et celui qui pourrait le mieux correspondre à ce que vous avez envie de raconter, dans sa forme artistique.
Le réalisateur est le chef d’orchestre. Le chef opérateur est l’artiste qui va retranscrire en image son histoire, ses sentiments. Ce n’est pas une question de technique mais une question de sensibilité. Je sais que tous les opérateurs qui nous accompagnent ont les connaissances techniques nécessaires. Je ne propose pas un opérateur par rapport à son cv ou son showreel …mais par rapport à sa sensibilité. J’essaye de créer le bon binôme : chef-opérateur/réalisateur pour le bien de l’histoire.
Je souhaite aussi vous parler de l’homme ou de la femme qui exerce ce métier.
Avant d’être agent, j’ai été directrice de production, et j’ai pu croiser quelques chefs-opérateurs odieux ou ayant de gros problèmes de communication. Mon agence est fondée sur l’humain. Quand on part huit semaines en tournage avec les mêmes personnes, il ne faut pas se tromper sur les caractéristiques humaines des techniciens que l’on propose. C’est aussi la réputation de l’agence qui est en jeu. J’ai construit au fil des années une relation de confiance avec les productions.
Tous les opérateurs sont différents. Je remarque qu’il y a des opérateurs plus rock’n roll que d’autres. Qui travaillent de façon plus ou moins académique. Certains sont très gourmands en matériel d’éclairage, d’autres plus minimalistes. Est-ce que la façon d’éclairer est prise en compte pour proposer un projet à un opérateur ?
Bien sûr que cela joue. Ce qui joue aussi c’est le budget et les conditions de tournage. Si on m’explique qu’une production compte tourner un film au milieu de nulle part avec un petit budget, je ne proposerai pas les mêmes chefs-opérateurs car je sais qui pourra être à l’aise avec ces conditions de tournage.
Laurent Brunet, par exemple, est quelqu’un qui a tourné dans les 4 coins du monde, seul et qui travaille avec peu de lumière. Je proposerai aussi ce projet à des chefs-opérateurs qui savent adapter leur façon de travailler et d’éclairer en fonction des contraintes.
Autre exemple, Thierry Arbogast, il tourne souvent avec de grosses équipes et beaucoup de matériel mais quand il part faire « Singué Sabour-» en huis clos, il est tout seul, avec un budget ultra restreint. Les bons chefs-opérateurs savent s’adapter aux conditions de tournage.