La page noire de l'étalonneur.
Si l'écrivain pose des mots sur une page blanche, c'est à l'aide de mon stylet que je dépose des couleurs sur des images. Ce parallèle entre ces deux métiers peut paraitre un peu tiré par les cheveux, car je ne crée rien. Je transforme. Avec l'écrivain, nous avons en commun une même idée: dire des choses. Le vernis de couleurs que j'applique aux images doit permettre une meilleure lisibilité et accentuer un sentiment. Donner la force à un regard, ou assombrir un paysage participe au langage que le chef opérateur propose à la natation d'une histoire. La palette des couleurs, la texture d'un étalonnage se doivent d'accompagner discrètement et renforcer le souvenir que l'on aura à la sortie de la projection.
Il n'est pas rare de me retrouver face à un film où je me demande "mais qu'est-ce que je peux faire avec ça". Un simple changement de contraste et de couleur ne donnera pas la force suffisante que j'aimerais donner aux images. Je me trouve alors face à la page noire de l'étalonneur. Je réécoute le son, imagine une continuité visuelle ou au sentiment provoqué chez le spectateur. Un look ne se trouve jamais dès la première version d'étalonnage. Il s'élabore au fil des plans et des discussions et des visionnages. Voir et revoir, recommencer, et proposer un concept visuel. C'est qu'après ce cheminement que je peux être satisfait d'un étalonnage...